La Fédération du e-commerce et de la vente à distance, la Fevad, a fait part dans un long communiqué en date du 2 juillet de son incompréhension face à l'adoption programmée de mesures inutilement handicapantes pour le e-commerce.
L'Assemblée nationale vient d’adopter en première lecture le projet de loi consommation, dit loi Hamon. « Celui-ci comporte plusieurs mesures ayant pour objet de transposer la directive de 2011 sur les droits des consommateurs, en particulier dans le cas de vente à distance. Et certaines de ces mesures pourraient sérieusement compromettre un des seuls secteurs en France qui reste encore en croissance et continue de créer des emplois », s'insurge la Fevad dans un communiqué.
Un droit de rétractation allongé
Ainsi, au titre de la directive de 2011, le projet de loi vient renforcer certains droits reconnus en matière de vente à distance et notamment le droit de rétractation. Ce droit essentiel pour la protection des consommateurs consiste à pouvoir retourner le produit commandé et d’en obtenir le remboursement.
Dans le cadre du projet de loi Hamon, les députés ont validé l'allongement du droit de rétractation de 7 jours actuellement à deux fois 14 jours : 14 jours pour notifier la rétraction et 14 jours pour retourner le produit. « Cette mesure, bien que coûteuse pour les entreprises françaises, notamment les TPE/PME, trouve sa justification dans la volonté d’aligner la norme européenne sur les régimes nationaux existants les plus favorables au consommateur » rappelle la Fevad.
Si cet allongement du délai supplémentaire pour retourner le produit n’est pas remis en cause par les professionnels, par contre « certaines mesures issues de la directive, reprises à l’identique dans le projet de loi, ne présentent aucun fondement réel. Celles-ci auront, avant tout, pour effet de plonger les entreprises dans l’insécurité juridique, et de les exposer à des risques inutiles. »
Et de fait selon la Fevad, le délai de rétractation pourra désormais dépasser les 5 semaines en cas de commandes multi-produits. En pareille circonstance, la directive prévoit que si les articles ne sont pas tous livrés en même temps, le droit de rétractation débute à compter de la réception du dernier produit livré, et ce, quelle que soit la nature des produits commandés. « A ce jour, aucune justification n’est apportée pour justifier une telle extension du délai de rétractation au-delà du raisonnable. Cette règle, qui s’explique dans les cas où les deux produits commandés sont indissociables, ne répond à aucune logique lorsqu’il s’agit de produits sans rapport entre eux et conduit à étendre au-delà du raisonnable le droit de rétractation. »
Une obligation de rembourser avant même d’avoir reçu le produit en retour
La deuxième mesure jugée contestable par la Fevad « toujours reprise à l’identique dans le projet de loi, concerne les modalités du délai de remboursement. » En effet, selon la directive européenne, le site de e-commerce doit rembourser le client dans un délai maximum de 14 jours à compter du moment où ce dernier l’informe de sa volonté de retourner le produit. Le site dispose cependant de la possibilité de différer le remboursement au-delà des 14 jours, jusqu’à réception du produit ou de la preuve du renvoi du produit par le client, le premier de ces deux faits devant être pris en compte.
En pratique, selon la Fevad, cela signifie que si la preuve de renvoi du produit arrive après 14 jours, le vendeur sera tenu de rembourser l'objet le jour même, avant même d’avoir reçu le produit et avoir pu en vérifier le bon état. « Cette mesure paraît tout à fait choquante car elle expose de manière totalement inutile les commerçants au risque de fraude. » Et si naturellement, « la loi doit protéger le consommateur contre les pratiques abusives ou déloyales. Mais elle se doit également de protéger le professionnel contre les éventuels risques de fraude, plutôt que de les encourager. »
Et comme si cela ne suffisait pas, tempête la Fevad, « le gouvernement français a par ailleurs pris l’initiative d’ajouter des sanctions disproportionnées en cas de retard de remboursement. » Ainsi, selon l’article 5 du projet de loi, « tout commerçant qui prendrait l’initiative d’attendre le retour du produit ou de la preuve du renvoi du produit s’exposera à une indemnité correspondant à 5 % du montant de la commande ». Cette pénalité s’applique de plein droit, c’est-à-dire de manière automatique, sous réserve, en théorie, des voies de recours que le vendeur pourra exercer contre le fraudeur.
La Fevad regrette la passivité des pouvoirs publics français
Si la Fevad avait dénoncé en son temps les deux mesures en question, les députés se sont montrés sourds à ses appels. « Tous les amendements déposés par les députés afin de limiter les répercussions des mesures en question ont fait l’objet d’avis défavorables de leur part. La seule initiative prise par le Rapporteur a été de réduire les pénalités de retard de 10% à 5%, ce qui ne résout en rien la question de principe posée par l’application de la pénalité dans les conditions précitées. »
Face à cette inertie, la Fevad monte au créneau et rappelle, « qu’il s’agit bien d’une directive et non d’un règlement européen. Or, une directive, contrairement à un règlement, permet juridiquement aux Etats une marge de manœuvre dans le cadre de la transposition. Contrairement à ce qui a pu être indiqué lors des débats, le fait qu’il s’agisse d’une directive d’harmonisation maximale, ne suffit pas à transformer la directive en règlement. » En conséquence, la Fevad demande « au gouvernement et au parlement français de clarifier dans la loi française, les mesures issues de la directive qui, de l’aveu de tous, méritent de l’être » et « à défaut de vouloir résoudre les problèmes d’application soulevés par la directive dans la loi française, elle demande au gouvernement français d’agir auprès des autorités européennes en faveur d’une interprétation sensée des dispositions concernées, en concertation avec l’ensemble des acteurs. »
En outre, la Fevad demande au gouvernement de « corriger les problèmes relatifs à l’application des pénalités, pour lesquels le gouvernement ne saurait se retrancher derrière la directive car celle-ci en matière de sanction, laisse aux Etats le soin d’en fixer les modalités. La France semble d’ailleurs être aujourd’hui le seul pays à avoir fixé des sanctions de cette nature. »
Dominique André-Chaigneau, Franchise Commerce ©